Focalisé sur l'essentiel

La Mancha est la région de Don Quichotte, un individu un peu «fou», qui s'est battu pour ses idéaux contre des moulins à vent et des outres à vin. L'histoire du domaine viticole Tinedo montre à quel point les aventures du chevalier passionné dans ce roman espagnol classique sont encore significatives aujourd'hui. Pour la comprendre, il faut revenir un peu en arrière: de 1865 jusqu'au début du 20e siècle, le phylloxéra importé d'Amérique du Nord avait détruit une grande partie des régions viticoles européennes. En raison de ses conditions climatiques, la Mancha avait été épargnée par les poux voraces. C'est ainsi que la demande en vin de la région castillane avait soudainement augmenté de manière considérable. Les petites bodegas disparurent à vue d'œil et furent remplacées par de grandes exploitations industrialisées. Lorsque la situation du vignoble européen s'est détendue, les prix des vins de la Mancha ont chuté.

Pour être rentable, il fallait livrer une grande quantité de vin au meilleur prix possible. «Mes grands-parents et mon père voulaient à tout prix garder leur petite bodega», explique Manuel Alvarez-Arenas, qui dirige le domaine familial Bodega y Viñedo Tinedo avec ses deux sœurs. «Ce fut en fait la chose la plus stupide que l'on pouvait faire à l'époque», dit Manuel en riant et ajoute: «Mais c'est grâce à cette obstination que nous possédons aujourd'hui la Finca sans doute la plus extraordinaire de la Mancha». Pour fêter ses 170 ans, les trois frères et sœurs ont donc lancé les vins Max. Un hommage à leur père Máximo et à sa passion de poursuivre l'exploitation viticole malgré toutes les résistances, sans jamais savoir si son action porterait des fruits. Entièrement dévoué à ses idéaux, un véritable héros de la Mancha – on pourrait sans aucun doute écrire un roman sur sa vie.

Nadine Saxer et Stefan Gysel ne forment pas seulement un couple intime dans leur vie privée – dans leur travail aussi, les œnologues se complètent parfaitement. Tous deux gèrent leur propre domaine viticole, Nadine dans le canton de Zurich et Stefan dans le canton de Schaffhouse. Ils vivent avec leurs trois filles dans le domaine viticole de Nadine à Neftenbach. Quand on lui demande si, dans leur situation, il n'est pas parfois difficile de séparer le professionnel du privé, Nadine répond en riant: «Quand on a un si beau métier, on n'a pas besoin de séparer les deux». Est-ce que c'est grâce à cette attitude positive que ses vins sont si harmonieux et puissants? Nadine attribue surtout son succès au travail constant et intensif dans les vignes et dans la cave: «Nous avons toujours pour objectif de produire la meilleure qualité et de nous améliorer encore et encore». Cela ne passe pas inaperçu: lors du Grand Prix du Vin Suisse, Stefan Gysel a déjà reçu 10 médailles d'or et 19 médailles d'argent avec Aagne. Nadine Saxer dépasse même son mari avec ses 11 médailles d'or et 23 médailles d'argent, mais Stefan a été le seul Suisse allemand à être élu «Vigneron de l'année» en 2009... Y a-t-il parfois de la concurrence entre deux viticulteurs aussi talentueux? Qu'en est-il par exemple lorsqu'il s'agit de choisir un vin pour un anniversaire de mariage? «Le jour du mariage, une bouteille ne suffit pas... Nous pouvons donc prendre une bouteille d'un vignoble pour l'apéritif et une bouteille d'un autre vignoble pour le repas», dit Stefan en souriant, «et bien sûr, il peut aussi s'agir d'un vin d'un collègue vigneron, nous pouvons alors éviter cette dispute». Cette attitude donne tout simplement envie d'avoir plus de vin suisse – nous avons beaucoup d'atouts dans notre jeu.

Ses vins ont eu le même effet que les tubes de Nirvana. Mais Hannes Reeh n'a pas l'air d'une star. L'Autrichien a un style de vie insouciant, mais il est bien trop déterminé pour vouloir mener la vie de débauche d'une rock star. En 2007, il a repris le vignoble de ses parents et s'est mis à rénover l'entreprise avec l'impartialité de la jeunesse. Tous les «gadgets» autour du vin ne plaisaient pas au jeune homme, il voulait faire des vins authentiques et honnêtes et renoncer à tout cosmétique et renforcement artificiel. Ses vins devaient exprimer des émotions pures, exactement comme la musique de Nirvana dans l'album «Unplugged in New York». Il a donc rapidement trouvé un nom qui résume le travail de Hannes Reeh: il vinifie les meilleurs raisins du millésime «unplugged» – sans levures sélectionnées, enzymes, agents de collage et filtration. Aujourd'hui, ces vins sont la marque de fabrique de Hannes Reeh, il a même déjà gagné le Grand Prix autrichien du Zweigelt avec ces vins. Comme aucun autre, le jeune vigneron a réussi à combiner décontraction et ambition. Son Zweigelt n'est pas un gentleman inaccessible, mais «comme un ami sociable que l'on accueille volontiers dans sa ronde», dit Hannes Reeh. Si ce vin était une chanson, il suffirait de la mettre en boucle.